Père Noël

Lorsque la maman du Père Noël, une certaine Gisella Plübhelltf, sentit qu’elle allait accoucher, elle se rendit à la clinique la plus proche, comme le veut la tradition laponne, (ça se passe en Laponie) où, surprise totale, il lui fut annoncé que ce n’était pas un mais deux bébés qu’elle s’apprêtait à faire sortir de son utérus, deux bébés comme qui dirait thoracopages. « De quoi ? » dit-elle à l’obstétricien qui venait de lui annoncer la stupéfiante nouvelle. « Des siamois reliés au niveau du cœur » précisa le spécialiste d’un air passablement hautain. Après leur naissance, les siamois furent séparés et, comme il fallait bien trancher, les médecins choisirent à pile ou face qui conserverait le muscle cardiaque, puisqu’il n’y en avait qu’un pour deux. Ensuite de quoi, maman Plübhelltf repartit chez elle avec deux chiards pour le prix d’un. Bientôt elle s’aperçut que si l’un de ses bébés était la sagesse et la douceur incarnées, le second (comme par hasard celui qui n’avait pas de cœur) n’était que vice et méchanceté (il lui mordait exprès le mamelon au moment de la tétée, poussait délibérément son petit frère de la table à langer dès que l’occasion se présentait et jetait aussi souvent qu’il le pouvait sa bouillie brûlante sur le dos du chat). Les années passant, ce caractère un peu plus qu’agressif ne cessait de gagner en intensité et lorsque le démoniaque siamois mit le feu, « pour jouer » prétendit-il, à un pensionnat de jeunes aveugles orphelines (zéro survivante et 12 387 234,25 lapo€ de dégâts), sa mère, désespérée, décida de l’abandonner dans la forêt où les loups, pensait-elle, seraient bien plus doués pour assurer son éducation à grands coups de crocs acérés. Aussitôt dit, aussitôt fait. Et, pour compenser, Gisella Plübhelltf fit tout son possible pour que l’autre, le bon, devienne le Père Noël, histoire de réparer un peu les bêtises de son frère. Son entreprise fut couronnée de succès puisque de nos jours encore le Père Noël reste la personnalité préférée des français (devant l’Abbé Pierre, Zinedine Zidane et Omar Sy). Ce qu’ignorait pourtant madame Plübhelltf, c’est que le mauvais fils ayant eu vent des projets de sa mère, avait fait en sorte de changer de place avec son frère dans le lit, le fameux soir. La femme, dont l’instinct maternel était légèrement émoussé semble-t-il par une excessive consommation d’aquavit local, n’y vit que du feu et envoya le gentil fils se faire bouffer par les très féroces loups des steppes tandis que l’autre commençait en toute impunité la carrière que l’on sait.